Découverte en 1976, la fièvre hémorragique à virus Ebola a entraîné une trentaine d’épidémies en Afrique dont celle de 2000 en Ouganda (425 décès) et celles en République Démocratique du Congo (318 décès en 1976 et 315 en 1995).

Entre mars et août 2014, l’épidémie a touché 2 615 personnes faisant 1 427 décès. Sont concernés, la Sierra Leone, le Libéria, la Guinée et depuis la mi-août le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique. Entre les 14 et 16 août, il y a eu 113 nouveaux cas et 84 morts dans ces quatre pays, puis 221 nouveaux cas et 106 morts les 2 jours suivants.

Réuni les 6 et 7 août à Genève, l’OMS a été « unanime pour considérer que les conditions d’une urgence de santé publique de portée mondiale sont réunies. » Devant l’aggravation de la situation, il faut une « réponse internationale coordonnée » pour « arrêter et faire reculer la propagation internationale » du virus, a estimé le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS.

Des vaccins à visée préventive à l’essai

Le président guinéen Alpha Condé, dont le pays a été le premier frappé, a appelé à « faire d’Ebola une préoccupation mondiale jusqu’à la production d’un vaccin » contre ce virus.

Diverses stratégies ont été explorées et plusieurs candidats sont à l’essai. Le britannique GlaxoSmithKline (GSK) s’apprête à tester sur l’homme un vaccin préventif : deux gènes (non infectieux) d’Ebola insérés dans un vecteur viral, produisant une protéine spécifique du virus que l’organisme apprend alors à « reconnaître » et à combattre.

Johnson & Johnson développe de son côté un vaccin contre le virus Ebola et celui, très proche, de la fièvre de Marburg. Cette dernière appartenant à la même famille virale a été décrite en 1967 pour la première fois en Allemagne et en Yougoslavie chez des chercheurs de laboratoires tombés malades alors qu’ils produisaient des vaccins à partir des cellules rénales prélevées sur des singes verts provenant d’Ouganda…

La société américaine Profectus Biosciences, quant à elle, explore l’usage d’un virus animal comme vecteur.

Enfin, l’Institut américain de recherche médicale (NIH) et l’Université Thomas Jefferson de Philadelphie étudient plusieurs pistes sur la base d’un vaccin contre la rage, qui permettraient de prévenir ces deux maladies à la fois, d’une part chez l’homme, d’autre part, chez la faune sauvage qui est l’un des réservoirs du virus Ebola.

Selon le directeur du département vaccins et produits biologiques de l’OMS, un vaccin préventif contre le virus pourrait faire l’objet d’essais cliniques accélérés dès le mois de septembre 2014. Si ces essais s’avéraient concluants, le vaccin pourrait être disponible dans le courant de 2015, alors que ONU et OMS promettent des moyens sans précédent contre une épidémie « exceptionnelle » qui, selon l’OMS, a atteint une telle vitesse de propagation qu’il faudra de six à neuf mois pour l’arrêter au Liberia, pays le plus touché. Les vaccins pourront ainsi être essayés…

Le TKM-Ebola à visée curative suspendu puis brutalement autorisé

Le TKM-Ebola, de la société canadienne Tekmira, utilise la technique de « l’interférence par ARN » : celle-ci vise à rendre « silencieux » des gènes cibles en bloquant la production de protéines spécifiques. Ce phénomène a valu un prix Nobel à ses découvreurs en 2006. Un premier essai clinique chez des volontaires sains avait été stoppé, en juillet, par la FDA à cause d’effets secondaires, mais l’agence américaine du médicament s’est ravisée devant l’urgence.

Le sérum expérimental ZMapp à visée curative…

Début août, plusieurs États ont exprimé le souhait de pouvoir utiliser l’anticorps expérimental « ZMapp », développé dans un laboratoire privé aux États-Unis et jamais testé sur l’homme auparavant.

Ce sérum dit « ZMapp », mis au point par la société américaine Mapp Biopharmaceuticals, est un cocktail d’anticorps monoclonaux qui entraîne une réponse immunitaire contre des protéines situées à la surface du virus Ebola. L’efficacité serait immédiate, contrairement à un vaccin, qui met souvent plusieurs semaines à « apprendre » à l’organisme à lutter contre une maladie.

ZMapp a été testé partiellement sur 8 singes, avec une efficacité d’autant plus grande que le traitement était donné tôt après l’infection. A la question « est-ce que le ZMapp fonctionne », le site du laboratoire américain répond cependant laconiquement « nous ne le savons pas ! »

Après avoir reçu leur consentement éclairé, ce traitement expérimental a cependant été administré début août à deux Américains infectés au Liberia, rapatriés aux États-Unis et mis en quarantaine. Les deux patients ont réagi de manière positive au traitement et auraient été considérés comme guéris le 19 août. Un prêtre espagnol qui a bénéficié du même sérum expérimental, dont l’Espagne avait exceptionnellement autorisé l’importation, est, en revanche, décédé.

Interpellée la semaine suivante par trois spécialistes des maladies infectieuses, dont le co-découvreur du virus Ebola, qui l’exhortaient à autoriser l’usage de ce traitement en Afrique, l’OMS sollicita l’avis de son comité d’éthique. Interrogé sur le sujet, le président Obama jugea avec bon sens « prématurée » cette possibilité, estimant « que toutes les informations n’étaient pas disponibles pour déterminer si le médicament était efficace », tandis que Gregory Hartl, porte-parole de l’OMS, soulignait, en vertu du principe de précaution, que « Pour différentes raisons, il est impossible d’utiliser un traitement non testé au milieu d’une épidémie ».

Après avoir reçu le feu vert de son comité d’éthique, l’OMS approuva pourtant le 12 août l’emploi de ce traitement expérimental non homologué et recevra 5 millions de dollars d’aide du Koweït pour faire face à la propagation de l’épidémie !

Le Liberia reçut alors des doses de ce sérum, qu’il injecta notamment à deux de ses médecins. Mais en les offrant « gratuitement » à ce pays, le laboratoire Mapp a perdu l’intégralité de son stock disponible, réservé jusque-là aux tests cliniques sur des animaux qui n’ont, de ce fait, pas été poursuivis !

Des résultats positifs pourtant limités et incertains

Pour Sylvain Baize de l’Institut Pasteur, « le ZMapp a une efficacité complète s’il est administré une heure après l’infection […] L’efficacité baisse au fur et à mesure que ce laps de temps est dépassé ». En l’occurrence, les deux Américains ont reçu ce traitement neuf jours après l’apparition des premiers symptômes.

Ainsi, selon ce chercheur, si les membres de l’ONG guérissent, « il sera impossible de mettre ce résultat sur le bénéfice du traitement », puisque le taux de mortalité de cette fièvre hémorragique est de 25 à 90 % et qu’« il est possible de s’en sortir sans traitement car tout dépend du système immunitaire du malade ».

Mais comment un tel médicament expérimenté jusque-là chez les seuls macaques peut-il brusquement avoir été proposé chez deux hommes puis autorisé à titre expérimental par l’OMS alors que les tests cliniques se limitaient à 8 macaques et qu’on ne dispose d’aucune donnée sur d’éventuels effets secondaires chez l’homme ?

Manifestement sous influence, OMS et Agence américaine du médicament ont agi avec légèreté devant l’« urgence », ce qui n’est pas sans rappeler ( y compris dans sa large couverture médiatique en occident), l’épisode de la grippe H1N1…

Le respect de l’éthique face à « l’urgence »

Tandis que les autorités sanitaires américaines portaient, début août, leur alerte sanitaire au niveau 1, le plus élevé, comme ce fut le cas en 2009 lors de la pandémie de grippe H1N1, l’« urgence mondiale de santé publique » était décrétée par l’OMS.

Mais revenons sur l’interpellation de l’OMS par trois experts de maladies infectieuses l’exhortant à autoriser l’usage de traitements expérimentaux en Afrique. Dans une lettre adressée à l’OMS, Peter Piot et David Heymann, respectivement directeur et professeur de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, ainsi que Jeremy Farrar (professeur de médecine tropicale à l’Université d’Oxford et co-découvreur du virus Ebola en 1976), ont justifié l’utilisation des produits en développement curatifs et préventifs.

« C’est maintenant qu’il faut faire bouger les choses et autoriser les traitements expérimentaux en Afrique. La prévention est indispensable, mais il faut agir pour éviter que les personnes infectées ne meurent. C’est comme cela que l’on réinstaure la confiance dans les mesures de prévention. La lutte contre le VIH l’a bien montré […] Si cette épidémie se déroulait en Europe, le débat sur l’usage « compassionnel » de traitements n’ayant pas encore été complètement validés aurait déjà été ouvert. Nous y avons eu recours par le passé ».

« De plus, une fois l’épidémie terminée, il n’y aura plus d’efforts d’investissement dans la recherche sur les traitements et les vaccins. Lorsqu’une nouvelle épidémie surviendra, rien ne se sera passé. Après celle de 1976, l’OMS avait affirmé vouloir mettre sur pied une équipe d’intervention internationale. L’initiative est restée lettre morte. Le seul moyen de tester l’efficacité de ces traitements chez l’homme est de le faire pendant une épidémie. Il faut avancer en accélérant les essais de phase 1. »

Pour Peter Piot, « les bénéfices espérés des traitements face à une maladie qui tue plus d’une personne sur deux ne justifieraient-ils pas de tenter les médicaments expérimentaux ? D’autant que l’expérience des anticorps monoclonaux dans le traitement du cancer montre qu’en général il n’y a pas d’effet indésirable majeur. L’OMS devrait établir des règles dans ce domaine. »

Quant à l’aspect financier, pour Piot, qui a réponse à tout, « Il est clair qu’il n’y a pas de marché solvable. Jusqu’ici, les travaux de recherche sur des traitements ou des vaccins ont été effectués avec des financements publics et notamment par les militaires, dans la crainte d’une utilisation bioterroriste du virus Ebola. L’implication de laboratoires privés sera nécessaire pour la phase de développement mais ces produits doivent rester dans le secteur public. Ils doivent être fournis gratuitement, car les prochaines flambées épidémiques d’Ebola auront encore lieu dans des pays pauvres. Le financement doit venir des agences de développement et les stocks confiés à l’OMS. »

Piot termine son entretien avec Paul Benkimoun, paru dans Le Monde du 7 août, en précisant que : « Nous ne savons toujours pas par quel biais le virus arrive jusqu’à l’homme, même s’il est vraisemblable que les chauves-souris en représentent le réservoir. Nous ne connaissons qu’un segment du génome du gros virus qu’est le virus Ebola. Nous devons donc, sans attendre, redoubler d’efforts dans les recherches et mettre le plus vite possible à disposition les traitements prometteurs ».

« L’épidémie n’a pas seulement à voir avec le virus lui-même mais aussi avec le contexte. Elle touche des sociétés qui ont connu des décennies de guerre civile et où règne la méfiance à l’égard des autorités et des services de santé. C’est une région où existent des croyances très fortes sur l’origine des maladies et où des sociétés secrètes sont très influentes. Il est décisif de regarder vers l’avenir. »

Ces raisons, bonnes et moins bonnes, justifient-elles ces soudaines décisions de l’OMS et de l’Agence américaine du médicament prononcées en dehors des règlementations élémentaires en matière d’essais thérapeutiques ?

Peut-on raisonnablement croire que le tout puissant Big Pharma acceptera d’investir — sans retour sur investissement — en fournissant « gratuitement »* de tels médicaments curatifs et préventifs pour les pays pauvres ?

Big Pharma détiendrait-il d’autre part le monopole de la maladie qu’il a déjà parfois favorisée ou déclenchée ? L’OMS, ce « bateau ivre de la santé » lui serait-t-elle encore plus inféodée par corruption ?

Pourquoi ne pas faire appel à certaines techniques alternatives qui ont déjà fait leurs preuves, comme le chlorure de magnésium (dans le Chikungunya), ou les huiles essentielles notamment…

Dr Marc Vercoutere

* Faut-il comprendre derrière la « gratuité » des traitements, qu’il sera fait appel aux États dits riches pour assurer le retour sur investissement de Big Pharma ? Ces états déjà très lourdement endettés, devront donc à nouveau emprunter aux banques selon un morbide cercle vicieux qui ne profite qu’aux riches.
Big Pharma et Haute Finance seraient donc les seuls vainqueurs de « cette urgence mondiale de santé publique ».