Selon la légende, Pythagore est le fruit de l’union d’une Pythie et d’Apollon. Avant sa naissance, il fut annoncé comme un enfant divin qui comblerait de bienfaits le genre humain. La fin de sa vie est tout aussi mystérieuse. Il disparut ne laissant ni sépulture, ni tombeau, ni dépouille mortelle.
Origine et naissance de Pythagore
D’après Apollonius de Tyane, Mnésarque et Parthénis, les parents de Pythagore appartenaient à une antique famille samienne. Tous deux descendaient d’Ankaios, le fondateur de Samos. L’île de Samos est le lieu du grand temple de la déesse Héra l’Héraion. Une tradition locale, veut que Pythagore soit né d’Apollon et de Parthénis, la plus belle femme de Samos.
Son père Mnésarque se rendit à Delphes pour affaires, en compagnie de sa femme Parthénis. Sans doute s’agissait-il aussi d’un pèlerinage pythien comme ils se faisaient à l’époque. Il songeait à entreprendre un voyage en Syrie. Consultant la Pythie à ce propos, il apprit que le voyage projeté serait heureux et lucratif. La prêtresse ajouta, sans être interrogée sur ce point, que « Parthénis était grosse et mettrait au monde un fils d’une beauté et d’une sagesse comblant de bienfaits le genre humain ». Mnésarque accorda immédiatement foi à l’oracle. Il changea le nom de son épouse Parthenis en « Pythaïs ». Ce changement de nom n’est pas anodin. Le nom Pythaïs composé de Pythie et aïs (pronom démonstratif) signifie « cette Pythie » ou « telle une Pythie ». Mnésarque donna donc un nom honorifique à son épouse, celle d’une Pythie enceinte d’un enfant divin.
L’enfant annoncé par Apollon Pythien à Sidon, recevra la nom de Pythagore, enfant divin d’une Pythie, Pyth-agoras signifiant « celui qui a été annoncé par la Pythie ».
Xénocrate raconte qu’au moment de la consultation de l’oracle, Apollon s’unit à Pythaïs par un éclair de lumière irradiant son ventre. Sans doute faut-il interpréter cela comme l’incarnation d’une âme de haute lignée apollonienne au moment de l’oracle. Cette âme céleste exceptionnelle descendue parmi les hommes fera de Pythagore l’être de grande sagesse qu’il fut.
Théogamie
Apollonius de Tyane était le fils d’un père mortel, bien que ses compatriotes affirmaient qu’il était fils de Zeus. Pour mettre un terme à ce débat, Apollonius disait qu’il était « fils de lui-même ». L’idée de filiation avec un dieu ou une déesse existe depuis la protohistoire, l’émanation d’une déesse ou d’un dieu pouvant s’incarner dans un être humain.
Les Grecs considéraient que tout ce qui meurt est amené à renaître et que des âmes de hautes lignées d’ancêtres déifiés pouvaient dans certaines conditions se réincarner. L’idée que l’âme de Pythagore provient d’une lignée d’Apollon ne remet pas en cause la paternité de Mnésarque, son père biologique. L’union d’une vierge et d’un dieu est métaphorique. Vierge signifie ici, exempte de toute souillure égrégorique du corps subtil, et donc, digne de porter l’émanation d’un dieu ou d’une déesse incarnée en son sein. C’est bien pour cela que le nouveau nom de la mère de Pythagore, Pythaïs, évoque la virginité d’une Pythie.

Nature de Pythagore
Une formule « secrète » des pythagoriens contemporains d’Aristote enseignait que la nature de Pythagore était distincte à la fois des dieux et des hommes. Un autre document, également extrait du Recueil péripatéticien, nous apprend que Pythagore est en effet un dieu incarné, reconnaissant en lui Apollon hyperboréen.
Héraclide raconte, dans une page conservée par Diogène Laërce, qu’en Pythagore est réincarnée une âme qui depuis qu’elle est née une première fois sous le nom d’Aethalide, n’a cessé d’être soumise à la loi de la transmigration et a successivement reparu sous les formes d’Euphorbe, Hermotime et Pyrrhos. Ces cinq incarnations ont exigé cinq procréateurs. L’extrait d’Héraclide ne donne que le nom du père d’Aethalide, qui est Hermès. Mnésarque, père de Pythagore, n’y est pas mentionné mais la filiation charnelle va de soi dans tous ces cas.
Vies antérieures du Maître
Pythagore, né vers 569 av. J.-C., se donne pour une réincarnation d’Hermotime, d’après Diogène Laërce : Pythagore racontait sur lui-même les choses suivantes : il avait été autrefois Aethalidès, fils d’Hermès. Hermès lui avait dit de choisir ce qu’il voulait, excepté l’immortalité. Il avait donc demandé de garder, vivant comme mort, le souvenir de ce qui lui arrivait. Ainsi, dans sa vie, il se souvenait de tout et, une fois mort, il conservait ses souvenirs intacts. Plus tard, il entra dans le corps d’Euphorbe et fut blessé par Ménélas. Or, Euphorbe disait qu’il avait été Aethalidès, et qu’il tenait d’Hermès, ce présent et cette manière qu’avait l’âme de passer d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre. Euphorbe mort, son âme passa dans Hermotime qui, voulant lui-même donner une preuve, retourna auprès des Branchides et pénétrant dans le sanctuaire d’Apollon, montra le bouclier que Ménélas y avait consacré. Il disait en effet que ce dernier, lorsqu’il avait appareillé de Troie, avait consacré ce bouclier à Apollon. Lorsque Hermotime mourut, il devint Pyrrhos, le pêcheur délien ; derechef, il se souvenait de tout, comment il avait été auparavant Aethalidès, puis Euphorbe, puis Hermotime, puis Pyrrhos. Quand Pyrrhos mourut, il devint Pythagore et se souvint de tout ce qui vient d’être dit. (Diogène Laërce, « Doctrines des philosophes illustres » VIII,5).
Pythagore était doué d’une anamnèsis privilégiée qui lui laissait le souvenir de ses vies antérieures. Cependant, cette faculté n’était pas limitée à ses propres existences antérieures. Il savait aussi sous quels noms avaient vécu ceux qui l’approchaient. Ainsi, il révéla à Myllias de Crotone son identité avec le roi Midas dans une précédente incarnation.
Les dons de Pythagore
Une série d’anecdotes illustre à la fois la douceur de Pythagore vis-à-vis des animaux et son pouvoir sur eux. Il obtint d’une Ourse qu’elle ne s’attaqua plus aux hommes ni aux bêtes. A Olympie, un aigle descendit à son appel du haut des airs. Il commandait à la grêle et aux vents, procurant ainsi à ses amis des traversées paisibles, calmant les flots irrités des fleuves et de la mer.
Selon Élien, Pythagore ne parcourait pas les villes pour enseigner mais pour faire fuir les épidémies. Là, semblait être sa principale préoccupation.
Nicomaque disait que pour rendre la santé à l’âme et au corps, Pythagore usait de la musique, de chants et d’incantations. Il cite comme exemple un air de flûte approprié qui stoppa un accès de rage folle d’un jeune homme de Tauroménion.
Mystérieuse disparition
Les versions les plus diverses circulent sur les circonstances de la mort de Pythagore. Aristoxène affirme qu’il est mort à Métaponte, Satyros déclare que Pythagore est mort de faim à Métaponte. Quant à Diogène, il dit que le Maître a été égorgé au champ des fèves. Ces auteurs n’évoquent aucune sépulture ou tombeau pour le Maître.
Timée et Cicéron ont écrit que Pythagore s’est établi à Métaponte et y disparut dans des circonstances mystérieuses.
Ni Timée, ni Cicéron, ne parlent de la sépulture et le silence qu’ils observent est d’autant plus digne d’attention qu’il est commun à tous les biographes antiques de Pythagore. Les Métapontins qui faisaient voir aux étrangers les lieux où avait séjourné Pythagore à la fin de sa vie n’avaient pas de tombeau à montrer. Qu’est-il donc advenu de sa dépouille mortelle ? On ne trouve qu’une réponse plausible. Il n’y avait pas de corps à ensevelir parce que Pythagore est parti en apothéose, sans laisser de dépouille mortelle ici-bas.
Ces êtres sans tombeau
Pythagore est un homme sans tombeau, sans sépulture, comme le fut cinq siècles plus tard Apollonius de Tyane. Les êtres parfaitement accomplis ne laissent pas de dépouille mortelle sur Terre. Ils partent en apothéose, c’est à dire en corps de lumière semblable à l’arc-en-ciel. Seuls demeurent les temples érigés à la mémoire de leurs enseignements. C’est pour cela qu’avant l’ère chrétienne, des milliers de temples furent construits dans toute l’Eurasie. La bibliothèque d’Alexandrie recensait tous les êtres partis en apothéose depuis la protohistoire. Ainsi, les temples dédiés à Héra, Déméter, Artémis, Diane, Isis, Aphrodite, Tara, Athéna, Apollon, Zeus, etc. sont érigés pour conserver les enseignements de ces êtres illuminés sans tombeau…
Frédéric Morin
Sources : La légende de Pythagore de Grèce en Palestine, Isidore Lévy, 1927 & Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres.