Mandaté par le Kommandeur de Xertos, Artonis avait ordre de se rendre à Miropolis, afin de rendre compte des nouvelles technologies atlantes mises sur le marché. Il avait à l’esprit les problèmes auxquels était confrontée la République. Il fallait soumettre la planète Zénah, combattre les intrusions arcturiennes et rééquilibrer la balance commerciale avec les autres systèmes. Les technomages atlantes sauraient comment venir en aide à la République. Ce peuple venu des confins de l’univers, à partir de la minuscule planète Terre, n’avait-il pas réussi à conquérir un tiers de la galaxie ? Son génie était connu et reconnu.

 

Son astronef arriva sur la plate forme orbitale de Miropolis. Il fit les démarches d’usage afin de pouvoir être téléporté dans le saint des saints des technologies galactiques les plus avancées. Un guide l’attendait à la sortie du téléporteur.

 

– Antarès :« Major Artonis bonjour, je me nomme Antarès et je suis chargé de vous présenter nos articles. J’ai pris connaissance du rapport Xertos. Suivez-moi ! Je vous prie ».

« Si vous le voulez bien, nous commencerons par notre stérilisateur de cerveau. Nos premières générations fonctionnaient couplées à des unités cybernétiques. Ces dernières enregistrent la signature ADN des cibles et modulent les ondes scalaires interférométriques chargées d’effacer la mémoire des cibles. Afin d’en améliorer les performances, nous avons associé au système un mini cœur d’intelligence artificiel de notre cru. Ceci permet d’étendre l’effet voulu à une population beaucoup plus large, avec une efficacité inégalée. Cela pourrait vous être fort utile pour soumettre les indigènes de Zénah. Pour une telle planète, la mise en réseau de nos stérilisateurs avec support satellite ne vous coûterait que 354 milliards de Galactos. Bien sûr, si vous désiriez d’autres articles nous pouvons faire un geste commercial ».

– Artonis : « Merci ! Cela mérite réflexion. Qu’auriez vous d’autre ? »

– Antarès : « Une autre approche est envisageable avec notre asservisseur de noyau planétaire. Cette technologie est plus radicale. Il s’agit de pomper quasi intégralement les flux magnétiques d’une planète tellurique. Cela engendre une destruction assez rapide du biotope et de ses habitants. Le contrôleur magnétique planétaire est réversible et vous permet donc de recoloniser la planète après l’opération. Il vous faudra alors reconstituer un écosystème. Nous disposons de ré-ensemençeurs pour ce faire. L’installation des asservisseurs se fait sur les pôles planétaires qu’il faut sécuriser. Entre la commande, les installations pôlaires, le temps de démagnétisation du cœur et le rétablissement d’un écosystème minimal, il faut compter environ 4 à 5 ans. La planète Zénah ainsi réhabilitée deviendra une extension territoriale vierge, colonisable par votre République. Ce dispositif vaut 770 milliards de Galactos. Une fois utilisées, nous pouvons reprendre vos installations en vous octroyant un bon d’achat de 70 milliards sur toute notre gamme psychotronique. C’est loin d’être négligeable pour un tel service. Qu’en pensez-vous ? »

– Artonis : « Le temps nous manque. Pour Zénah, par ailleurs, nous redoutons une intervention arcturienne qui pourrait mettre en péril un tel projet ».

 

– Antarès : « Si le temps vous manque, il est possible d’associer un contrôleur temporel à l’ensemble du dispositif. Cependant, envisager cela à l’échelle d’une planète est très onéreux. Comptons 900 à 1200 milliards de Galactos. Avec une telle technologie, vous confinez la planète cible dans une bulle temporelle. Les 4 années temporelles seront bien utilisées à l’intérieur de cette bulle mais en dehors, seuls 4 mois de votre temps se seront écoulés. Cela pourrait répondre à vos attentes, non ? »

– Artonis : « Notre République ne peut se permettre de dépenser 1800 milliards de Galactos pour soumettre 500 millions d’indigènes. Nous sommes par ailleurs confrontés à un déficit commercial avec d’autres systèmes. Nous ne pouvons aggraver la situation par de telles dépenses ».

 

– Antarès : « Reste alors une solution que nous réservons exclusivement à nos clients de confiance. La République étant un très fidèle allié, je pense que notre comité central d’éthique ne s’opposera pas à ce que je vais vous proposer. Il s’agit du digesteur de planète. C’est un bijou technologique, une usine annulaire qui agrippe la planète cible, pompe l’eau qui s’y trouve et la désalinise. Cette eau peut ensuite être mise sur le marché. Toute la matière biologique planétaire est broyée et transformée en tétraèdres alimentaires. Ils sont très facilement commercialisables. Les Arachnidiens en raffolent. La planète est ensuite concassée. Tous les minéraux sont triés, pour certains passés aux fourneaux afin d’obtenir toute une gamme de métaux essentiels aux industries spatiales. Voilà ainsi résolus tous vos problèmes : plus d’indigènes retords et une balance commerciale à l’équilibre. Ce service exclusif est assuré par nos ingénieurs et techniciens. Pour la somme de 820 milliards de Galactos, nous pouvons lancer une telle opération, sachant que nous vous rétrocédons 20 % sur toutes les ventes. La planète Zénah sur le marché peut être estimée à 12000 milliards de Galactos une fois raffinée. Que dites-vous d’une telle proposition ? »

 

– Artonis : « Je retiens cette offre qui sera présentée au Conseil. La question territoriale sera soulevée car une telle option ampute la République d’une planète. L’Assemblée risque d’être sensible sur cette question. Il faudra un peu de temps ».

– Antarès : « Oui, c’est compréhensible. Il faut par ailleurs tenter de résoudre le problème des intrusions arcturiennes dans votre système. Vous avez trois planètes à équiper pour vous défendre. Si vous n’en aviez que deux à gérer, cela allègerait vos dépenses militaires. C’est à prendre en considération.

Contre les intrusions nous disposons d’une arme qui a fait ses preuves dans toute la galaxie : l’annihilateur cosmique. C’est un canon spatial ayant la capacité de provoquer brutalement un trou noir sur la cible. Aucun astronef n’y résiste. Sa portée est limitée et il faut amener la cible dans son champ d’action. Pour ce faire deux technologies y sont associées : un contracteur d’espace pour attirer la cible dans le champ et un dilatateur d’espace pour repousser la cible si elle est trop proche. Annihilateur, contracteur et dilatateur sont un tout intégré, piloté par un noyau d’intelligence artificielle. Une fois que la cible est accrochée par le système, elle ne peut plus faire de manœuvres subspatiales pour s’échapper. Elle est irrémédiablement contrainte vers le champ annihilateur et broyée. Ce type d’arme fait notre fierté, il est mobile, fiable, dissuasif et redoutable. Il peut être installé sur toute planète ou en orbite sur une station spatiale civile ou militaire. Chaque unité coûte 19 milliards de Galactos pour une dissuasion assurée. Il vous faudra, pour une défense optimale dans votre système, un minimum de 30 canons, soit 10 par planète. Ceci nous fait un total de 570 milliards de Galactos ».

 

– Artonis : « Nous sommes d’accord pour la commande de ces armes. Reste à définir le nombre en fonction des options choisies. Mais à propos des indigènes, j’aurai aimé savoir ce qu’en disent vos techno-ethnologues. Il me faudrait aussi avoir un aperçu de la gamme psychotronique dont vous disposez ».

– Antarès : « Vos indigènes ? Ils sont comme tous les rebelles dans notre quadran galactique. Ils ne veulent pas être assimilés par l’intelligence artificielle. Ils y résistent en invoquant leur « Création ». Certaines de leurs facultés parapsychiques perturbent nos technologies psi-ioniques pourtant mises en œuvre pour établir un ordre et une harmonie psychique pour tous. Dans les moments de détente, se laisser pénétrer par des flux d’IA positivante est un plaisir extatique que chaque citoyen apprécie. A quoi sert une pensée individuelle en République, sinon à créer des dissensions ? Non ! L’esprit citoyen guidé par psychotronique est la plus grande des avancées politiques à l’échelle galactique. Chaque cerveau est un relais intégré dans un réseau global, piloté par intelligence artificielle dont l’objectif est l’intérêt commun et le bonheur pour tous. Sans pensée individuelle, la paix peut durer éternellement, grâce à un ordre social parfaitement stable. Or, cette paix est remise en cause par ces indigènes…

Si vous n’optez pas pour l’éradication de la planète infestée, il vous faudra travailler avec des technologies adaptées à la situation. Qu’avez-vous tenté pour les assimiler jusqu’à présent ? »

 

– Artonis : « Nous avons une armée sur Zénah qui a pour objectif de les réduire. Cependant, ces êtres sont évanescents. Ils peuvent disparaître et réapparaître là où on ne les attend pas. Ils ont développé des dons d’ubiquité, ce qui rend fous nos soldats. Ils lévitent également et parviennent par des champs psychiques à neutraliser certains rayons tueurs. Leurs facultés télé kinésiques détruisent nos émetteurs et réseaux psychotroniques. Un rapport confidentiel affirme qu’ils ont réussi à détruire récemment une constellation de satellites. Par ailleurs, ils entretiendraient des relations télépathiques avec une exocivilisation du quadran Spir, nos pires ennemis ! »

 

– Antarès : « Je vois… La situation est grave. Ils sont à un stade avancée de dégénérescence et commencent à attirer la racaille des autres quadrans. Avez-vous ensemencé les eaux de cette planète avec des nanites bio’ops ? Avec ce procédé les plus récalcitrants réintègrent les rangs ».

 

– Artonis : « Bien sûr ! Mais cela n’a eu d’effet que sur 1 % de la population. Or, ces 5 millions d’individus ont préféré se battre jusqu’à la mort plutôt que d’être assimilés. On ne sait quel procédé ou pouvoir psychique leur permet de détruire les nanites dans leur organisme. Ils retournent des drones, certains spationefs et certaines armes contre l’armée même. Un bataillon de soldats resté trois semaines en forêt a été contaminé par on ne sait quoi. Tous ces hommes se sont retournés contre la République. Il a fallu tous les exterminer. Toutes ces informations sont bien sûr classées confidentiel défense ».

 

– Antarès : « Ce que vous m’exposez n’est évoqué dans aucun de vos rapports depuis 3 ans. Je me souviens de votre dernière commande, il y a 18 mois. Il s’agissait de nanites aquatiques polymorphes dernière génération. La résistance à ce type de nanites est d’une extrême gravité. Notre Consortium et notre Conseil auraient du être immédiatement informés de cet échec. L’éradication terminale de Zénah par digesteur planétaire aurait du être décidée, il y a 18 mois. Vous me décrivez une infestation au stade terminal d’humanoïdes qui alertent tous les quadrans ennemis, non seulement de votre République mais de notre Empire Atlante. Qu’attendiez-vous au juste ? Pourquoi nous avoir caché durant trois ans tous ces problèmes ? Vous avez laissé pourrir une situation sans donner l’alerte. A présent, il faudrait que d’un coup de baguette magique nous réglions tous vos problèmes ? D’après ce que je pressens, la perspective de détruire cette planète habitée s’est répandue dans toute la galaxie comme une traînée de poudre. Le digesteur de planète n’est plus une arme secrète. C’est une nuée de sauterelles venue de tous les confins de la Galaxie qui va nous tomber dessus précisément au nom de leur « Création ». La guerre est imminente où a déjà commencé. Je dois en référer à mes supérieurs au plus vite ! »

 

– Artonis : « Je suis confus, le secret défense exigeait de taire la situation concernant les nanites. J’avais d’énormes contraintes hiérarchiques et budgétaires… Je ne pouvais pas imaginer que… »

 

– Antarès : « Taisez-vous ! Écoutez ! Un premier rapport holographique vient de me parvenir concernant votre République. Vos troupes sur Zénah ont été éradiquées. Des troupes arcturiennes sont au sol. Des moissonneuses de satellites sillonnent votre système pour détruire toutes vos communications subspatiales. Deux dévoreurs andromédiens sont en train d’annihiler votre flotte spatiale. Une flotte de 1200 vaisseaux sortie du sub-espace se dirige vers votre planète mère. 70 % des engins surgissant dans votre espace sont inconnus de nos militaires. Nous ne connaissons ni leur provenance, ni leurs armes, ni leurs aptitudes tactiques. Nous sommes pris au dépourvu. Nous ne pouvons intervenir, il y a trop d’inconnues dans cette équation. Ce que vous pensiez être des intrusions arcturiennes étaient en réalité des éclaireurs programmant une invasion de votre système. Nous sommes en guerre à cause de votre incommensurable sottise ! Vous pouvez dire adieu à votre République ! Gardes ! Saisissez-vous du Major Artonis ! Enfermez-le en salle de confinement. Cet individu est vraisemblablement contaminé ».

 

© Frédéric Morin – Les Chroniques de l’Age d’Or –

© Real fiction du 29 nov 2019

 

Publié dans Morphéus n°97 janvier février 2020