« Je livre mes réflexions au public dans l’espoir que développées et mises en pratique, elles pourront être utiles au soulagement de l’humanité. Il est naturel, dans le malheur, de songer à ceux qui souffrent ». Louis Napoléon Bonaparte

 

La richesse d’un pays dépend de la prospérité de l’agriculture et de l’industrie, du développement du commerce intérieur et extérieur, de la juste et équitable répartition des revenus publics.

 

Il n’y a pas un seul de ces éléments divers du bien-être matériel qui ne soit miné en France par un vice organique. Tous les esprits indépendants le reconnaissent. Ils diffèrent seulement sur les remèdes à apporter.

 

INDUSTRIE

L’industrie, cette source de richesse n’a aujourd’hui ni règle, ni organisation, ni but. C’est une machine qui fonctionne sans régulateur ; peu lui importe la force motrice qu’elle emploie. Broyant également dans ses rouages les hommes comme la matière, elle dépeuple les campagnes, agglomère la population dans des espaces sans air, affaiblit l’esprit comme le corps et jette ensuite sur le pavé quand elle n’en sait plus que faire, les hommes qui ont sacrifié pour l’enrichir leur force, leur jeunesse, leur existence. Véritable Saturne du travail l’industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur mort.

Faut-il cependant, pour parer à ses défauts, la placer sous un joug de fer, lui ôter cette liberté qui seule fait sa vie, la tuer en un mot parce qu’elle tue, sans lui tenir compte de ses immenses bienfaits. Nous croyons qu’il suffit de guérir ses blessés, de prévenir ses blessures.

Mais il est urgent de le faire : car la société n’est pas un être fictif ; c’est un corps en chair et en os, qui ne saurait prospérer qu’autant que toutes les parties qui le composent sont dans un état de santé parfaite.

 

Il faut un remède efficace aux maux de l’industrie : le bien général du pays, la voix de l’humanité, l’intérêt même des gouvernements, tout l’exige impérieusement.

IMPÔTS

La France est un des pays les plus imposés de l’Europe. Elle serait peut-être le pays le plus riche, si la fortune publique était repartie de la manière la plus équitable.

Le prélèvement de l’impôt peut se comparer à l’action du soleil qui absorbe les vapeurs de la terre, pour les répartir ensuite à l’état de pluie, sur tous les lieux qui ont besoin d’eau pour être fécondes et pour produire.

Lorsque cette restitution s’opère régulièrement, la fertilité s’en suit ; mais lorsque le ciel dans sa colère, déverse partiellement en orages, en trombes et en tempêtes, les vapeurs absorbées, les germes de production sont détruits, et il en résulte la stérilité, car il donne aux uns beaucoup trop et aux autres pas assez.

 

Cependant, qu’elle qu’ait été l’action bienfaisante ou malfaisante de l’atmosphère, c’est presque toujours au bout de l’année la même quantité d’eau qui a été prise et rendue. La répartition seule fait donc la différence. Équitable et régulière, elle crée l’abondance ; prodigue et partiale, elle amène la disette.

Il en est de même des effets d’une bonne ou mauvaise administration. Si les sommes prélevées chaque année sur la généralité des habitants sont employées à des usages improductifs, comme à créer des places inutiles, à élever des monuments stériles, à entretenir au milieu d’une paix profonde, une armée plus dispendieuse que celle qui vainquit à Austerlitz, l’impôt dans ce cas devient un fardeau écrasant ; il épuise le pays, il prend sans rendre.

Mais si au contraire ces ressources sont employées à créer de nouveaux éléments de production, à rétablir l’équilibre des richesses, à détruire la misère en activant et organisant le travail, à guérir enfin les maux que notre civilisation entraîne avec elle, alors certainement l’impôt devient pour les citoyens, comme l’a dit un jour un ministre à la tribune, le meilleur des placements.

C’est donc dans le budget qu’il faut trouver le premier point d’appui de tout système qui a pour but le soulagement de la classe ouvrière. Le chercher ailleurs est une chimère.

 

CONDITION OUVRIÈRE

La classe ouvrière ne possède rien, il faut la rendre propriétaire. Elle n’a de richesse que ses bras, il faut donner à ces bras un emploi utile pour tous. Elle est comme un peuple d’Ilotes au milieu d’un peuple de Sybarites. Il faut lui donner une place dans la société et attacher ses intérêts à ceux du sol. Enfin elle est sans organisation et sans liens, sans droits et sans avenir, il faut lui donner des droits, un avenir et la relever…

 

Au lieu d’aller chercher des consommateurs en Chine, qu’on augmente donc la richesse territoriale ; qu’on emploie tous les bras au profit de toutes les misères et de toutes les industries…

 

La France si richement dotée du ciel renferme en elle-même tous les éléments de sa prospérité… C’est une honte pour notre civilisation de penser qu’au 19e siècle, le dixième au moins de la population est en haillons et meurt de faim en présence de millions de produits manufacturés qu’on ne peut vendre, et de millions de produits du sol qu’on ne peut consommer !

Tous les hommes qui se sentent animés de l’amour de leurs semblables réclament pour qu’on rende enfin justice à la classe ouvrière qui semble déshéritée de tous les biens que procure la civilisation ; notre projet lui donne tout ce qui relève la condition de l’homme, l’aisance, l’instruction, l’ordre et à chacun la possibilité de s’élever par son mérite et son travail.

Notre organisation ne tend à rien moins qu’à rendre, au bout de quelques années, la classe la plus pauvre aujourd’hui, l’association la plus riche de toute la France.

 

SALAIRES

Aujourd’hui la rétribution du travail est abandonnée au hasard ou à la violence. C’est le maître qui opprime ou l’ouvrier qui se révolte.

Par notre système les salaires doivent être réglés, non par la force, mais par un juste équilibre entre les besoins de ceux qui travaillent et les nécessités de ceux qui font travailler.

Aujourd’hui tout afflue à Paris, le centre absorbe à lui seul toute l’activité du pays ; notre système sans nuire au centre reporte la vie vers les extrémités…

La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l’opulence ne sera plus oppressive, les oppositions disparaîtront et les prétentions surannées qu’on attribue à tort ou à raison à quelques hommes, s’évanouiront comme les folles brises qui rident la surface des eaux sous l’équateur, s’évanouissent en présence du vent réel qui vient enfler les voiles et faire marcher le navire.

C’est une grande et sainte mission, bien digne d’exciter l’ambition des hommes que celle qui consiste à apaiser les haines ; à guérir les blessures, à calmer les souffrances de l’humanité en réunissant les citoyens d’un même pays dans un intérêt commun ; et en accélérant un avenir que la civilisation doit amener tôt ou tard.

 

MAÎTRE ENNEMI

Dans l’avant-dernier siècle La Fontaine émettait cette sentence, trop souvent vraie et cependant si triste, si destructive de toute société, de tout ordre, de toute hiérarchie : « Je vous le dis en bon Français, notre ennemi c’est notre maître ! »

Louis Napoléon Bonaparte mai 1844 extraits de son ouvrage « De l’extinction du paupérisme ».

 

Nota : Le Bonapartisme s’appuie sur les humbles (ceux qui ne sont rien selon certains Républicains). La dignité humaine est son apanage, sa direction politique. En 1848, Louis Napoléon sera élu au suffrage universel avec 74,2 % des voix au premier tour . Grâce au Second Empire, la misère en France sera éradiquée et notre pays deviendra un des plus modernes et des plus riches au monde jusqu’à sa chute brutale en 1870. Nombre d’avancées sociales, culturelles, scientifiques, économiques, urbaines, bancaires nous viennent du Second Empire. Ce fut un mini âge d’or pour tous les Français !

 

Publié dans Morphéus n°98 mars avril 2020