Extraits :

Le 15 mars 1943, j’arrivais à la gare de Hannover, dans un convoi de STO. A l’Arbeitsamt, je pris le risque de déchirer le papier compromettant, ce qui me fit errer 24 h dans la salle d’attente. Je vis alors arriver un petit bonhomme de 72 ans environ, un certain Albert PAPPENBERG, habillé en officier-colonel de SA (Sturmabteilung = sections d’assaut), inscrit sous le n°252 au NSDAP (National Sozialistische Deutsche Arbeiter Partei = parti national-socialiste des travailleurs allemands), le parti nazi. C’était un exalté. Il avait fait la première guerre mondiale dans le régiment bavarois commandé par le baron Von TUBŒUF, comme capitaine d’Adolph HITLER, ce qu’il m’expliqua par la suite en riant avec bien d’autres choses. Vu ma stature et ma force physique, je fus immédiatement repéré par PAPPENBERG. Je déclarais alors que je parlais allemand. Il me dit de choisir quatre autres Normands comme ouvriers. Nous habiterions dans une petite maison, nous aurions des cartes de travailleurs de force et, à midi, nous déjeunerions au restaurant. J’appelais des Normands et nous fûmes tous embauchés immédiatement. Il nous avait pris pour des travailleurs volontaires. Nous avions ordre de nous taire sur le travail que nous aurions à exécuter, sous peine d’avoir la tête coupée.

Durant le trajet vers Misburg, dans la banlieue est de Hannover, il me dit que son colonel était d’origine normande et qu’après la victoire du grand Reich, la Normandie et le nord de la France seraient annexés. PAPPENBERG était un gros marchand de métaux non ferreux (cuivre, étain, etc.) qu’il récupérait et volait dans les usines, les dépôts et les camps militaires. Pour obtenir les marchés, il endossait son uniforme de colonel des SA et les directeurs savaient à quoi s’en tenir. Il dissimulait ses larcins dans son camion. Nous vîmes que nous devions découper des espèces d’engins usagés provenant de la base de Peenemünde. J’allais environ cinq fois sur la base. Le chauffeur du camion s’appelait Johann RACK. Il était originaire de Breslau et de lointaine ascendance polonaise. Il avait simplifié son nom qui s’écrivait réellement RACKOLSKY. Il parlait couramment allemand, polonais et français. Il supervisait la Rote Kapelle  en Allemagne.

 

Albert PAPPENBERG était souvent ivre et lorsqu’il avait trop bu, c’était un fieffé bavard et un formidable poste d’écoute pour les alliés. C’est ainsi que je pus discrètement compulser des documents intéressants, malgré la surveillance active de sa belle-fille, Hilda von BIRKENFELD. Le schéma et les détails techniques que je reproduis de mémoire appartenaient à ces documents.

Un jour, il me fit passer un interrogatoire minutieux en brandissant un ouvrage scientifique, imprimé à Magdebourg en 1655. Le nom de mon ancêtre, l’alchimiste Claude GUIGNARD, était cité à l’intérieur. Je ne pus nier cette parenté. Heureusement, il n’y eut pour moi aucune conséquence. La connaissance de ce livre s’explique simplement. Les services de recherche de la société de Thulé avaient fouiné dans toutes les vieilles bibliothèques des loges et universités allemandes, du Moyen-Age jusqu’aux débuts de la Renaissance. Entre autres choses, ils voulaient comprendre l’essence cachée des expériences de Magdebourg.

A Peenemünde, j’ai donc assisté à des décollages verticaux rapides d’engins volants allemands révolutionnaires. Peu à peu, je comprenais leur fonctionnement…

 

Mémoires de M. E. Guignard

(suite au prochain n°)

Extraits Morphéus n°87 mai / juin 2018